Comme les autres associations « historiques » d’aide à la personne, APAMAD est bousculée par une concurrence nouvelle, dans un secteur très complexe.

Ces cinq dernières années, le nombre de structures dédiées aux services à la personne dans le Haut-Rhin est passé d’une quinzaine à plus de 200. Le Plan de développement des services à la personne, lancé par Jean-Louis Borloo en 2005, semble donc avoir atteint son objectif : la création de milliers d’emplois dans un domaine où la demande ne peut que s’accroître.

Mais pour les associations « historiques » d’aide à la personne — nées après la Seconde Guerre mondiale et qui avaient acquis un quasi monopole avec une mission de service quasi public — ce plan a autant d’inconvénients que d’avantages. « Il y a une confusion énorme aujourd’hui autour de ces métiers », constate Pierre Tassetti, directeur général adjoint de La Croisée des Services (réseau associatif qui regroupe APALIB’, APAMAD, Fami Emploi 68 et Domicile Services Haute-Alsace). « Deux logiques complètement différentes coexistent, l’une médico-sociale, l’autre lucrative. Elles induisent des prestations différentes, mais qui sont toutes présentées sous l’intitulé services à la personne. »

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Marge de manœuvre réduite
L’installation de cette concurrence nouvelle bouscule les associations, dont l’équilibre financier est mis à mal. Apamad, comme quatre autres associations haut-rhinoises (Asame, ADMR, Droit de vivre, AAPAHBP), est soumise à un contrôle budgétaire et tarifaire du conseil général, et suit les orientations du Schéma gérontologique départemental. « Cela nous laisse une marge de manœuvre réduite par rapport aux autres structures et notamment aux entreprises à but lucratif », souligne Pierre Tassetti.

« Il y a des entreprises qui veulent occuper le marché des personnes dépendantes et ce n’est pas illégitime, poursuit-il. Mais il faut les mêmes règles pour tous, et que les efforts qualitatifs (couverture du territoire, qualité et continuité du service) soient valorisés, et non pénalisants du fait des coûts qu’ils induisent. »

Tandis que l’UNA (Union Nationale de l’Aide, des soins et des services à domicile) fait du lobbying au niveau national pour l’évolution globale du système de financement des interventions auprès des personnes dépendantes, APAMAD a négocié avec le Département des solutions qui doivent permettre de retrouver un équilibre financier rapidement.

Sachant que le conseil général — qui gère l’allocation personnalisée d’autonomie et la prestation de compensation du handicap — se trouve pris en tenaille, entre des besoins qui augmentent et des ressources financières qui diminuent. Et le fait que le système de l’autorisation soit géré en partie par le Département dans une logique médico-sociale, en partie par l’État dans une logique de création d’emplois, ne contribue pas à rendre l’ensemble cohérent.

Assumer les coûts de la dépendance
Le risque, si un équilibre n’est pas maintenu, est de voir disparaître certaines structures à but non lucratif, et que du même coup des zones rurales ne soient plus du tout couvertes par l’aide à domicile. D’où un afflux vers les maisons de retraite, qui sont déjà saturées — sans compter les conséquences sur l’emploi.

« Derrière tout cela, il y a la question : ‘‘quelle société voulons-nous pour demain ?’’, estime Pierre Tassetti. Si on privilégie la concurrence à tout prix, toute une partie de la population risque de se retrouver isolée. Il faut les moyens d’assumer les coûts de la dépendance. C’est un choix politique, qui aujourd’hui n’est pas fait. » En 2015, la France comptera 2 millions de personnes de plus de 85 ans, contre 1,3 million aujourd’hui. Un projet de loi sur la prise en charge de la dépendance, que le gouvernement a baptisé le « 5 e risque », devait entrer en vigueur en 2009. À ce jour, il n’a toujours pas été présenté devant le Parlement…

Article de l’Alsace Mulhouse du 26 mars 2010